Éducation thérapeutique : le patient, premier acteur de sa santé

Diabète, maladies cardio-vasculaires, affections respiratoires… Un français sur cinq souffre aujourd’hui d’une maladie chronique. Une urgence sanitaire face à laquelle les centres de soins de suite et de réadaptation jouent un rôle majeur avec leurs programmes d’éducation thérapeutique, préservant l’autonomie et la qualité de vie des patients. Eclairage sur les spécificités de cette prise en charge à la clinique du Château de Vernhes (Bondigoux, Haute-Garonne).

 

Dans les rayons du supermarché, un petit groupe examine attentivement les produits alignés devant eux. « 0,4 gramme de protéines dans celui-ci » glisse Antoine à sa voisine, un pot de confiture à la main. Scrupuleusement, ils analysent chaque  indication inscrite sur les étiquettes. Et pour cause ! Ils sont surveillés de près par Magalie, nutritionniste au sein de la clinique du Château de Vernhes. « Ces personnes souffrant de diabète doivent constituer un panier de course adapté à leur traitement. Venir au supermarché et voir concrètement le produit interpellent plus le patient qu'un cours en atelier classique » explique-t-elle.

Transmettre savoirs et savoir-faire

Des activités comme celles-ci, ces patients en pratiquent quotidiennement depuis qu’ils suivent un programme d’éducation thérapeutique au sein de leur établissement de soins de suite et de réadaptation. L’objectif est de les confronter à des actes de leur vie courante pour développer leur autonomie en dépit de la maladie. « Ces activités visent à transmettre aux patients des savoirs et des savoir faire pour qu’ils puissent à la fois comprendre leur pathologie et suivre leur traitement » explique le Dr Comet. Chaque patient apprend donc à gérer  lui-même sa maladie.

De par leurs missions en faveur de la prévention et de la réinsertion des patients, les établissements de SSR ont depuis toujours développé des actions d’éducation thérapeutique. Elles constituent d’ailleurs une condition substantielle de leur autorisation de fonctionnement.

Au-delà de ces actions, un nombre croissant d’établissements de SSR se sont  spécialisés et ont fortement investi dans la mise en place de « programmes d’éducation thérapeutique ». Institués par la loi HPST, ces derniers sont soumis à l’autorisation des ARS et viennent répondre au fort développement des pathologies chroniques. Ces 10 dernières années, le nombre de diabétiques a augmenté de 180% et le taux d’obésité en France progresse chaque année de 5,9%...

 

Une approche globale pour être efficace

Ces pathologies, souvent complexes, nécessitent de prendre en compte tous les aspects du patient : physique, psychologique ou social. « Mon obésité, très handicapante au quotidien, a été largement amplifiée par mon parcours personnel et certains évènements que j’ai pu connaître dans ma vie » témoigne Marie-Claude Ressiguié, une ancienne patiente. « Un véritable cercle vicieux qui n’a pu être stoppé qu’à partir du moment  ou j’ai été prise en charge en établissement de SSR ». 

Durant son séjour, comme tout patient chronique, elle a été accueillie par une équipe pluridisciplinaire, alliant notamment un nutritionniste, un ergothérapeute, une assistante sociale, mais également une psychologue. « L’intervention de chacun a été déterminante dans l’amélioration de mon état de santé. » C’est grâce à cette approche globale du patient et à la transversalité des compétences mises en place,  propre aux  centres de Soins de suite et de réadaptation, que sa prise en charge a pu être efficace.

« Au-delà de la pathologie en tant que telle, nous nous concentrons sur la personnalité du patient, sur son état psychologique », confirme le Dr Comet. Il s’agit donc, à chaque  fois, de mettre en place une prise en charge totalement personnalisée. « L' éducation thérapeutique nécessite de la part du soignant une quête constante de compréhension : il importe de connaître le patient en tant que personne » explique Sophie, une soignante de la clinique.

 

Une efficacité avérée

À l’arrivée du patient, l’équipe soignante établit un diagnostic éducatif personnalisé, d'où découle un programme d’activités de 3 semaines en moyenne. Celles-ci seront proposées par les soignants au patient, qui a la liberté de les choisir. 

« L’intérêt de l’éducation thérapeutique, c’est d’être à l’écoute du patient, donc de décider avec lui. Nous sommes dans une logique d’échanges alors que, sans l’éducation thérapeutique, les soignants ont plutôt l’habitude d’imposer des normes ou des objectifs aux patients. » explique le Dr Comet. « Le but premier est d’aider le patient à se soigner seul » résume Sophie.

Au programme : conférences pédagogiques, ateliers d’échanges entre patients, activités physiques, atelier de cuisine, art thérapie pour permettre aux patients de reprendre confiance en eux…Un ensemble d’activités qui, assurées de manière coordonnée, ont fait leurs preuves.

« Avant mes différentes hospitalisations, je pesais 280 kg, ma vie était en danger.  Je souffrais de nombreuses complications avec une forte tension et des problèmes d’apnée du sommeil. Aujourd’hui je ne pèse plus que 135 kg, ces complications ont disparu et j’ai adopté un comportement au quotidien qui me permet de ne pas reprendre de poids ». L’exemple de Marie-Claude n’est pas un cas isolé. Pour les patients obèses, l’éducation thérapeutique permet ainsi une perte de poids 8,6% en 9 mois[*]

 

Le retard français de l'éducation thérapeutique

Mais les apports de cette médecine ne se réduisent pas au champ médical.  À travers son rôle préventif et la responsabilisation des patients qu’elle induit, l’éducation thérapeutique permet une diminution de 16% des coûts directs pour l’Assurance Maladie et de 57% des coûts indirects sur les 9 mois suivant l’hospitalisation[*]Malgré ce constat, « de nombreux efforts restent à fournir pour que l’offre de soins de la France en éducation thérapeutique soit à la hauteur des besoins » estime le Dr Sanguignol, secrétaire général de la société d’éducation thérapeutique européenne (lire son interview)

Un retard que les établissements privés de soins de suite et de réadaptation sont prêts à combler par  le développement rapide de nouveaux programmes d’éducation thérapeutique.

 


[*]L’efficacité médico-économique de l’éducation thérapeutique chez les patients obèses, Frédéric Sanguignol, Grégoire Lagger et Alain Golay, mai 2009. Etude réalisée auprès de 50 patients obèses, 9 mois avant et 9 mois après un programme d’éducation thérapeutique de 5 jours.