SSR privés : "Pourquoi un livre blanc ?"

Le livre blanc de la CSSR présente les grands enjeux du secteur des cliniques de Soins de Suite et de Réadaptation et dresse l’ensemble des propositions du secteur. Retrouvez un extrait de ce document, à travers l’interview croisée du Dr Gabriel Bossy, président de la CSSR et de Théodore Amarantinis, délégué général. 

 

 

Pourquoi un livre blanc ?

G. Bossy – La sauvegarde de notre filière de santé exige d’assumer des ré­formes de la part de nos responsables politiques. Les Français manifestent à cet égard une attente et une exigence toutes particulières. Pour 98 % d’entre eux, il s’agit là d’un enjeu qui doit être au coeur des débats de la prochaine élec­tion présidentielle (1). Au regard de la place majeure qu’elles occupent dans notre système de santé, les cliniques de Soins de Suite et de Réadaptation privées ont la responsabilité de prendre part à ce dé­bat et même de le susciter.

T. Amarantinis – Plombé par des finances en mauvais état, c’est l’ensemble de notre système de santé qui est aujourd’hui en danger. Les soins coûtent de plus en plus cher à la collectivité et à chaque malade. Il faut donc favoriser tout ce qui permettra de mieux maîtriser les dépenses d’assurance maladie tout en gardant l’objectif de mieux prévenir et de mieux guérir pour réinsérer les patients. Placés au coeur de ces problé­matiques, les SSR privés veulent aussi expliquer le rôle qu’ils jouent et ce qu’ils peuvent apporter. Ils sont aujourd’hui trop méconnus et souffrent de préjugés injustifiés.

 

C’est donc pour vous aussi une question d’image ?

G. B. – Il est essentiel de lutter contre un certain nombre d’idées reçues qui sclérosent le débat. Contrairement à ce qui est véhiculé, nos établissements de SSR sont accessibles à tous. Ils sont implantés sur l’ensemble du territoire et les dépasse­ments d’honoraires y sont inexistants.

T. A. – Les centres de SSR jouent un rôle médical croissant. Ils assurent des prises en charge diversifiées, à la fois polyvalentes et très spécialisées. Ils dis­posent d’équipes pluridisciplinaires et de plateaux techniques de haut niveau. Leurs patients arrivent dans des états non stabilisés, voire très complexes, à la suite d’une intervention chirurgicale, ou directement des urgences ou de leur do­micile, à la suite d’un accident de santé. C’est l’image de cette réalité sanitaire qui est aussi en jeu dans notre démarche de sensibilisation.

 

Êtes-vous légitimes à soutenir une démarche d’intérêt général ?

G. B. – Les centres de SSR privés, de par le rôle majeur qu’ils jouent et leur ac­cessibilité à tous, ont toute légitimité à porter une démarche d’intérêt général. Ils désengorgent les services hospitaliers et facilitent les parcours de soins. Au sein des territoires, ils travaillent en étroite collaboration avec les hôpitaux publics et les structures d’aval (maisons de retraite médicalisées, services de soins à domicile, médecine et soins de ville).

T. A. – Les établissements privés prennent en charge des pathologies qui sont en forte croissance au sein de la société avec, par exemple, la recru­descence des maladies chroniques. Au-delà des soins et de la rééducation, ils mettent en place, à travers l’éducation thérapeutique par exemple, une véritable démarche de prévention continue et ont pour objectif une réinsertion rapide des patients dans leur milieu so­cial et professionnel. On est bien au coeur de l’intérêt général !

 

Qu’attendez-vous aujourd’hui des pouvoirs publics ?

G. B. – Il est crucial qu’ils aient une vision dynamique et prospective des besoins pour anticiper les défis sanitaires de de­main. Dans cette optique, nous voulons qu’ils reconnaissent nos nouvelles mis­sions et l’ensemble des efforts de notre filière pour les assurer. Ces derniers nous permettent aujourd’hui d’assurer la bonne fluidité de notre système sani­taire et le maintien des centres de SSR partout où les besoins se manifestent.

T. A. – Notre rôle prépondérant dans la maîtrise des dépenses d’assurance mala­die doit également être reconnu à sa juste valeur. Cependant, il doit être clair qu’avec des prix de journée de 100 à 150 €, nous ne pourrons offrir durablement, en plus d’une grande qualité d’accueil, des soins adaptés, un personnel compétent et des plateaux techniques performants. À niveau et qualité de prise en charge identiques, voire supérieures (cf.certifi­cations HAS, rapports Cour des comptes 2008 et CNAMTS 2010), les SSR privés coûtent moins cher à la collectivité que les hôpitaux publics. Cela induit que la tarification à l’activité qui s’appliquera en 2013 à l’ensemble des centres de SSR, quel que soit leur statut, soit égalitaire, à travers un même tarif pour une prise en charge identique. Le principe de base de la tarification à l’activité n’est-il pas de payer au juste prix la réelle lourdeur de la prise en charge de chaque patient ?

 

> Quelles sont vos marges de progrès pour répondre à la demande ?

G. B. – Avec le système de tarification actuel, qui sous-évalue nos missions et coûts réels, les marges de progrès pour les établissements privés sont difficile­ment envisageables. Face à l’arrivée de patients de plus en plus lourds, les cli­niques doivent pourtant poursuivre leur dynamique d’investissement en renfor­çant leurs personnels et leurs équipe­ments techniques. Elles y sont prêtes si les pouvoirs publics les accompagnent, car c’est le rôle de fluidification des SSR privés et leur qualité de prise en charge qui sont aujourd’hui en grand danger.

T. A. – En l’état, les marges de manoeuvre sont, effectivement, très minces. Si la future T2A est véritablement « sans tabou » et qu’elle réduit objectivement les écarts tarifaires actuels, on peut en espérer, en tout cas pour notre secteur, des moyens supplémentaires. Sous cette réserve, nous serions, bien sûr, prêts à nous engager sur la piste très actuelle qu’est la maîtrise de la pertinence des séjours et de leur durée moyenne. Nous pourrions alors répondre, dans un souci d’efficience et grâce à nos nou­velles technologies de soins et à nos solutions de prise en charge innovantes, à la fois aux besoins des patients et aux préoccupations de maîtrise des pou­voirs publics.

 

> Comment appréhendez-vous le rôle sociétal et sanitaire de votre filière ?

G. B. – Notre filière permet de lutter effi­cacement contre le handicap temporaire, la dépendance et leurs coûts au sein de notre société, en assurant au mieux la réinsertion sociale et professionnelle des patients. Par ailleurs, les cliniques de SSR l’ont déjà prouvé par le passé, elles disposent d’une véritable capacité d’adaptation pour apporter aux patients des soins innovants sur des pathologies complexes en forte croissance. Notre rôle de soignant pour une réinsertion réussie intègre aussi la prise en charge de toutes les souffrances sociales et psychiques qui touchent nos patients, notamment les plus précaires, mais aus­si leurs familles.

T. A. – De par leur positionnement clé entre le court séjour et le retour au domi­cile, les SSR contribuent à désengorger notre système de soins et à faciliter le parcours de soins du patient. Notre filière est efficiente d’un point de vue économique pour notre système de soins, et donc pour sa pérennité. Par ailleurs, ses coûts de fonctionnement contribuent directement à la maîtrise des dépenses d’assurance maladie.

Aujourd’hui, pour permettre aux SSR privés de jouer au mieux leur rôle, c’est leur capacité à proposer des solutions de prises en charge souples et innovantes qui doit être encouragée.

Pour cela, il faudrait que « saute le ver­rou » du cloisonnement des secteurs sanitaire et médico-social et de leur mode de financement, qui continue à freiner toutes les initiatives courageuses émanant de notre secteur.

Faut-il rappeler que c’est, d’ailleurs, un des objectifs de la loi HPST avec la mise en place des ARS ?

 

(1) Enquête Ipsos/Logica, "Les Français et le système de soins" (2011)