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Pour fluidifier le transfert des patients des établissements de court séjour (médecine, chirurgie) vers les établissements de SSR, des outils d’aide à l’orientation ont été développés au sein de plusieurs régions. Lors des prochaines visites de conformité, liées à la mise en œuvre des nouvelles autorisations SSR, l’ensemble des établissements de SSR seront tenus d’avoir recours à l’un de ces outils. Une généralisation qui provoque de vives inquiétudes au sein des cliniques de SSR, dont les responsables sont partagés sur l’objectivité et l’efficacité de ces outils.
Pour certains, un plus pour le parcours du patient ?
« Quand ils fonctionnent bien, ce sont des outils qui peuvent faciliter la prise en charge du patient, en permettant de cibler les établissements les plus adaptés à sa pathologie et les plus proches de chez lui». Directeur de la clinique de Mar Vivo (Var), Stéphane Deutsch a quotidiennement recours au ROR (Répertoire Opérationnel des Ressources) pour accueillir des patients provenant de court séjour. Cet outil qui regroupe l’ensemble de l’offre des établissements de soins en PACA, dont l’offre en SSR, vise à fluidifier la chaîne de soins.
Il permet, à l’échelle d’une région, de mettre en contact les demandes de prises en charge des centres de court séjour avec l’offre de soins des structures d’aval. « Cela fonctionne comme une centrale de réservation », résume Stéphane Deutsch. « En effet, les établissements de SSR peuvent en principe accéder en temps réel aux différentes demandes et signaler leurs disponibilités. Les plus rapides à se manifester étant alors présentés à l’établissement de court séjour avant que celui-ci n’opère son choix final. En peu de temps, une solution peut être trouvée entre les deux types de structures » ajoute-t-il.
Le ROR réduirait ainsi les délais d’attente pour l’orientation du patient et améliorerait sa prise en charge en sélectionnant l’établissement le plus adapté à son cas. La rapidité et la fiabilité des choix de transfert entre établissements impliquant une connaissance approfondie du dossier de chaque patient.
« Ces outils apportent un énorme progrès dans la qualité des informations transmises entre établissements», souligne Béatrice Bon Bétend, présidente du Château de Bon Attrait (Haute-Savoie). Son établissement utilise un autre outil d’aide à l’orientation, le programme Trajectoire, uniquement centré sur l’offre de soins en SSR et qui fonctionne sur le même principe que le ROR.
C’est en Rhône-Alpes que le programme a été mis en place. Expérimenté depuis 2006, de nombreux centres hospitaliers de la région y recourent aujourd’hui. « Chaque patient dispose désormais d’un dossier d’admission clair et très détaillé regroupant ses informations médicales, administratives et sociales. Cela nous permet de l’identifier sous ces 3 aspects et ainsi de nous prononcer de manière adaptée pour son admission», explique Béatrice Bon Bétend.
« À travers la traçabilité qu’il apporte, cet outil facilite notre auto-évaluation et fournit des indications pour améliorer notre fonctionnement, liées aux mouvements de patients, aux nombres de refus, aux motifs de rejets, etc», souligne-t-elle.
Ces plateformes nécessitent néanmoins souvent un temps d’adaptation en interne. « Au sein de ma clinique, une personne a été formée à l’utilisation de l’outil. L’adoption du ROR induit un changement indéniable dans les habitudes », souligne Stéphane Deutsch. « Plutôt que de prendre le téléphone, il faut écrire», illustre Béatrice Bon Bétend. Ces outils nécessitent également une plus grande vigilance des établissements de SSR qui doivent faire preuve de réactivité face aux demandes de prises en charge et d’une grande attention dans l’utilisation de la plateforme. « Pour être réellement efficace, il faut que l'outil soit complètement maîtrisé par les SSR, en étant vigilant à la précision des informations transmises », avertit Béatrice Bon Bétend.
Pour d’autres, ces outils suscitent de fortes inquiétudes.
Après la phase d’expérimentation lancée en Rhône Alpes, cet outil va être amené à se généraliser progressivement dans les autres régions, dans le cadre de la conformité liée aux nouvelles autorisations d’activité SSR et de la mise en place des futurs SROS PRS (1). Il suscite aujourd’hui de fortes inquiétudes de la part de certains responsables d’établissements privés.
Celles-ci proviennent de la gestion même de cet outil, financé par les ARS et géré majoritairement par des professionnels issus des hôpitaux publics. Son utilisation à l’échelle nationale présentant le risque pour certains de voir une « mainmise » d’un secteur sur un autre au niveau des transferts de patients. Des établissements de court séjour pourraient être tentés de privilégier certaines structures de SSR au détriment d’autres qui disposeraient de prises en charge plus adaptées.
« Il faut que les établissements pensent avant tout à offrir la meilleure solution de prise en charge au patient. Si tout le monde joue le jeu et particulièrement les établissements de court séjour, ces outils ne seront pas menaçants en tant que tels », tient à rappeler Stéphane Deutsch.
Pour la CSSR, il faut rester vigilant pour éviter des « dérives » possibles.
Si les représentants nationaux de la CSSR-FHP estiment que de tels outils peuvent constituer une réelle avancée pour l’amélioration des prises en charge et la fluidification même des filières de soins, ils annoncent néanmoins que leur Confédération sera très attentive quant à leur fonctionnement et à leur utilisation afin d’éviter toute dérive potentielle en région.
Cela pourrait être le cas par exemple avec certaines ARS qui envisageraient de proposer des incitations et contraintes financières aux établissements SSR, en fonction de l’intensité de leur recours au système Trajectoire.
Par ailleurs, « la CSSR-FHP pointe du doigt d’une part, les dangers liés à la gouvernance et à l’utilisation objective et neutre de ces systèmes et d’autre part, une certaine incompatibilité entre leur utilisation et l’entente préalable, réintroduite en 2011 par la loi de Financement de la Sécurité Sociale pour les transferts de patients du court séjour vers les SSR », souligne le Dr. Gabriel Bossy, Président de la CSSR-FHP.
Il ajoute que « la mise en œuvre d’un comité national de suivi de la généralisation de ces outils en région constitue une demande forte de la CSSR, que nous espérons voir aboutir ».
Pour le Délégué général de la CSSR-FHP, Théodore Amarantinis « ces outils pourraient être efficaces s’ils sont utilisés de manière objective par tous les acteurs publics et privés, et si tout le monde joue équitablement le jeu pour faciliter réellement le parcours du patient, ce dont nous ne sommes pas assurés pour l’instant ».
« C’est la raison pour laquelle nous avions dès le départ demandé une gestion paritaire et évaluée de ce système » conclut-il.
(1) Schémas régionaux d'organisation sanitaire